Une folle raison me conduit à penser… Zo?
J’ai rencontré Zo en 1983 à l’époque où les radios dites libres, mais infantiles, vagissaient encore avant de se faire voler la parole par les grands groupes et la publicité pas cher. Zo était infectée par le virus de l’écriture et comme elle ne parlait pas bien la Frrrrance, pensait-elle, elle voulait de l’aide pour écrire en français… elle qui, débarquée à douze ans, gare de l’est de l’est à Paris, pour rejoindre Baba et Deda, a ingurgité la langue comme un nourrisson tête le sein de sa mère. A pleines doses ! Il y eut des aventures d’écriture en effet : deux romans et plusieurs nouvelles plus tard, elle a quitté Beauvais, la côte d’Azur, la France et moi.
Coup de folie encore !
Mais pourquoi cet acharnement à vouloir que tous les enfants aient accès à la lecture ? Règlement de comptes personnel ? Altruisme volontaire ou ego démesuré ? Un manque, un désir, une absence, assurément, à combler d’urgence par livres interposés. Et des livres, il faut en avaler, encore et encore car c’est la dernière richesse qui reste à l’humain pour lui faire supporter l’indicible médiocrité de l’humanité, j’allais écrire sa cruauté.
Zo a ce privilège de penser en serbe, de parler français et d’écrire dans les deux.
Moi, je me bats contre l’invasion de l’anglais. « Rétrograde ! » me renvoient les mauvais coucheurs, « il faut une langue unique pour le monde uni. » Ah vraiment ? Je réponds : qui est rétrograde alors que j’apprends deux, cinq, dix langues, du russe au breton, du brésilien au suédois pour accroitre mon vocabulaire et la diversité de ma pensée. Il me manque le serbe. J’enrage parce que je ne me suis pas encore procuré la méthode Assimil serbe. Encore un livre ! La pensée unique est mort de l’âme, l’abandon de l’identité conduit au nivellement par le bas, l’extension de la connaissance passe par la maitrise du savoir, le savoir passe par le livre, et le livre survit à tout. Le livre, c’est l’intimité et la liberté retrouvées.
Voilà pourquoi je soutiens la folle invention de Zo.